Les limites de l’Art et des lieux de diffusion

Après bientôt sept ans de pratique artistique et quatre ans de diffusion de mon travail photographique, j’ai eu l’occasion de découvrir différentes manière de toucher le public : en exposant mes œuvres dans un centre d’achat, dans des galeries ou encore dans des centres d’artistes. Le format de ces lieux de diffusions artistiques sont divers et variés et chacun d’entre eux à un rôle propre à jouer dans le l’accès du public à l’Art.

Jusque là tout c’est très bien passé jusqu’à ce que je me retrouve à exposer dans un cadre diplomatique. En effet, je viens de clore une exposition d’un mois à La maison Française de l’Ambassade de France à Washington D.C.

Cette exposition qui a été un succès en terme de fréquentation et intérêt du public m’a quand même démontré la limitation du rôle de certains lieux de diffusion dans la mesure où l’accès à mon exposition « 2Fik’s Museum (and Other Works) » a été fermée à plusieurs reprises pour des raisons d’ordres diplomatiques.

Cela peut sonner comme (mettre ici tout adjectif qualificatif à connotation négative), il ne reste qu’il faut partir du postulat que le rôle de l’Art est, par définition, aux antipodes du rôle de la Diplomatie. Donc, en soi, la tenue d’une exposition comme la mienne dans ce lieu relève de l’exploit !

Comme le disait Sacha Guitry, « Les diplomates, ça ne se fâche pas, ça prend des notes. ». Et c’est exactement pour cette raison que je ne suis pas fâché. Parce que je comprends que j’ai affaire à un milieu où l’Art n’EST PAS la raison d’être du lieu. Le Service Culturel de l’Ambassade de France à Washington D.C. a fait preuve d’un courage et d’une détermination exemplaire en programmant un travail qui questionne entre autres, l’identité et le genre.

Plusieurs centaines de personnes sont venues au vernissage et tout le long du mois où l’exposition a été présentée. Oui, il a fallu à quelques reprises mettre des rideaux pour empêcher des incidents diplomatiques. Oui, cela m’a révolté au début. Mais, j’y ai repensé et il faut relativiser : Est-ce que l’Ambassade aurait été prête à subir un imbroglio avec un autre pays à cause de mon travail ? Bien sûr que non car cela n’est pas son rôle.

En programmant mon exposition, Le Service culturel a déjà posé un acte militant et un acte politique dans la mesure où la reconnaissance des questionnements identitaires est encore toute fraiche en France. Surtout quand ces enjeux sont traités au travers de photographies mettant en scène un homme nord-africain homosexuel de culture arabo-musulmane.

C’est justement pour cette raison précise que je fais don d’un exemplaire de « Le Déjeuner sur l’Herbe », œuvre mettant en scène Alice, Abdel, Sofiane et Fatima, inspirée du célèbre tableau homonyme d’Édouard Manet. Rappelons-nous que ce dernier avait, il y a 150 ans, présenté ce tableau au salon des refusés et que la réaction du public ne s’est fait attendre. « Scandaleux », « Indécent » : tous les adjectifs étaient bons pour honnir ce qui est maintenant une des plus célèbres toiles françaises.

En conclusion, Rimbaud avait dit des artistes que « c’est grâce à ces faiseurs de feu qu’on touche à la réalité même si cette réalité est brûlante ». Il y a des lieux où le feu peut brûler de son plus fort sans risque d’endommager ces derniers. Il y en a d’autres, où l’on a besoin de l’éteindre puis de le rallumer, le temps de laisser passer ce qui peut s’enflammer rapidement.

2Fik

About the Author:

Related Posts